Aimé Césaire, de son nom complet Aimé Fernand David Césaire, est un poète et homme politique français né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe (Martinique) et mort le 17 avril 2008 à Fort-de-France[1]. Il fut l'un des fondateurs du mouvement littéraire la négritude et un anti-colonialiste résolu.
Césaire déclare en effet : « Je suis de la race de ceux qu'on opprime ».
"Il me suffirait d'une gorgée de ton lait jiculi pour qu'en toi je découvre toujours à même distance de mirage - mille fois plus natale et dorée d'un soleil que n'entame nul prisme - la terre où tout est libre et fraternel, ma terre.
Partir. Mon coeur bruissait de générosités emphatiques. Partir... j'arriverais lisse et jeune dans ce pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : « J'ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies ».
Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : Embrassez-moi sans crainte... Et si je ne sais que parler, c'est pour vous que je parlerai».
Et je lui dirais encore :
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir. »
Et venant je me dirais à moi-même :
« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle,car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... »
Aimé Césaire
Extrait du
Cahier d'un Retour au pays natal
***
Tam-tam de nuit
train d'okapis facile
aux pleurs la rivière
aux doigts charnus
fouille dans le cheveu
des pierres mille lunes
miroirs tournants mille
morsures de diamants
mille langues sans
oraison fièvre
entrelacs d'archet
caché à la remorque
des mains de pierre
chatouillant l'ombre
des songes plongés
aux simulacres
de la mer
***
Jour et Nuit
le soleil le bourreau la poussée des masses la routine de mourir et mon cri de bête blessée et c'est ainsi jusqu'à l'infini des fièvres la formidable écluse de la mort bombardée par mes yeux à moi-même aléoutiens qui de terre de ver cherchent parmi terre et vers tes yeux de chair de soleil comme un négrillon la pièce dans l'eau où ne manque pas de chanter la forêt vierge jaillie du silence de la terre de mes yeux à moi-même aléoutiens et c'est ainsi que le saute-mouton salé des pensées hermaphrodites des appels de jaguars de source d'antilope de savanes cueillies aux branches à travers leur première grande aventure: la cyathée merveilleuse sous laquelle s'effeuille une jolie nymphe parmi le lait des mancenilliers et les accolades des sangsues fraternelles.
Aimé Césaire,
Les armes miraculeuses, 1946 (extrait)