Amour de chat
Non, je ne viendrai pas, même si tu m'appelles ;
C'est l'heure de rêver : le rêve m'est si doux !
Car loin de toi j'ai des royaumes
Où ne cheminent pas les hommes.
C'est trop fin, trop givré ; trop de tendresse y danse ;
Vos pieds gâcheraient tout sur mon herbe enchantée !
Va-t'en, je t'attendrai ; cours où la vie t'appelle.
Moi, j'ai cent rendez-vous d'oiseaux, de libellules,
De papillons bleus délirants.
On m'invite ce soir chez l'étoile tremblante,
Dans les fougères du ravin,
Et dès ce matin j'y songe,
Car je crains de la faire attendre.
Pars ! Tu n'inventeras jamais
Ce qu'est la tendre abeille au coeur des campanules
Et l'ourlet du grillon sur la frange des blés
Avec un fil ardent d'aimables coccinelles.
Sais-tu qu'il faut bien que j'y pense ?
Être chat n'est pas rien, c'est un travail immense
Et je n'en finis pas de rêver le jardin !
Non, ne m'appelle plus ; mais sache que je t'aime.
Georges Chopinet, moine de Clervaux (Luxembourg)